« On dit toujours d’oublier le passé. Que le passé, c’est le passé. Qu’on ne peut plus rien transformer, ni effacer un mot dit. On dit que vu que le passé est passé, on vit le présent, et on ne se préoccupe pas du futur.
Vous voulez que je vous dire, ce que j'en pense ? Avant de déballer vos grandes définitions, essayez de le ressentir, de le vivre. Vous verrez alors. »
Mon père m’a toujours dit de faire gaffe aux frontières. Et je n’y vois toujours pas l’intérêt. Gamine, j’obéissais, et il faut dire que j’avais drôlement peur des limites entre les Maisons. J’imaginais des monstres, plein de monstres. Ceux que me décrivait Oubliée, particulièrement. Et un jour, je m’y suis aventurée. Et j’ai recommencé. Deux fois, trois fois. Ça m’a rien fait. Rien du tout. Aucun monstre. Zéro peur. Mon père ne voulait pas que je m’aventure près de cette frontière particulièrement. Celle avec la Maison du Feu. Ils sont apparemment puissants et féroces, rêvant de dominer cette forêt, ce royaume.
Pour être sincère, tout ça me fait rire. S’ils croient que la Maison de l’Ombre se laissera un jour faire, leur cervelle embrasée par les flammes -jeu de mot stupide de mon père, quoique utilisable- est bien embrouillée.
Mon cœur bat à la vitesse du vent. Comme s’il lui obéissait. Je n’obéis à personne, en temps normal. Depuis que mes parents sont morts, je suis toujours un peu seule. Mais le mot solitude ne m’inspire pas tant la tristesse, ni la peur. J’aime bien ce mot, et j’aime surtout le ressentir.
Des fois, je suis dite de monstre. Si vous l’voulez, dites-le, ce mot me fait bien rire, à présent.
Je lève alors les yeux. Ciel noir, nuages gris. Mauvais temps, ça s’devine. À ma grande joie, évidemment.
« Il pleut. »